la Cour des comptes craint un "effet cliquet"

August 2024 · 9 minute read

La crise sanitaire a coûté près de 93 milliards d'euros au budget de l'État en 2020 - hors périmètre de la sécurité sociale et des collectivités -, selon l'évaluation réalisée par la Cour des comptes et publiée dans son rapport annuel sur l'exécution du budget de l'État. "Même si ce chiffre est entouré d'une marge d'incertitude, il rend compte de l'ampleur du coût de la crise et des mesures prises par l'État pour y répondre", souligne la juridiction financière.

Les dépenses supplémentaires liées à la crise ont représenté 49,7 milliards d'euros, tandis que les pertes de recettes ont atteint 37,3 milliards d'euros, dont 32,3 milliards de recettes fiscales en moins. Il faut encore y ajouter 5,7 milliards d'euros liés au déficit des comptes spéciaux (comptes d'affectation spéciale, comme celui de gestion des participations de l'Etat, etc.).

Mais outre l'effet de l'épidémie de Covid-19, la Cour note que les dépenses non imputables à la crise ont elles aussi progressé de 6,7 milliards d'euros en 2020, "soit une dynamique de croissance proche de celle de 2019 (+7,3 milliards) et bien supérieure à celle de 2018 (+1,5 milliards)". Cela traduit "une hausse structurelle des dépenses", souligne l'institution, qui s'inquiète "d'un risque d''effet cliquet'" – autrement dit du risque que les dépenses de l'Etat se maintiennent "à un niveau durablement plus élevé qu'avant-crise, pesant ainsi sur la trajectoire de solde et de dette publics".

Alors que le produit intérieur brut (PIB) a plongé de 8,2% l'an dernier, la dette (115,7% du PIB) et le déficit public (9,2%) ont atteint des records en 2020. La Cour avance des incertitudes encore fortes pour 2021, sur la durée des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises, et d'éventuelles nouvelles dépenses, par exemple si l'Etat devait mobiliser sa garantie accordée sur certains prêts.

Face à ces inquiétudes, Bercy assure qu'il sera d'une "grande vigilance" pour que "ces dépenses de crise ne soient pas pérennisées, d'une part, en ciblant les dispositifs de soutien et, d'autre part, en s'assurant du caractère temporaire de ces mesures", écrit-il dans sa réponse à la Cour jointe au rapport. Il a d'ailleurs annoncé la semaine dernière des "efforts importants" à venir sur les dépenses publiques, afin de ramener le déficit public sous les 3% en 2027. Son objectif est de ramener la hausse des dépenses à +0,7% par an en moyenne à cet horizon, contre en moyenne 1% par an entre 2017 et 2019, et +1,4% par an durant la décennie 2010. Cette trajectoire pourrait faire l'objet d'une évaluation prochaine par la Cour des comptes qui, à la demande du Premier ministre, doit rendre début mai un rapport sur les perspectives des finances publiques. En sachant que le rapport annuel de la Cour a été présenté il y a moins d'un mois, le 19 mars… mais que celui-ci, une fois n'est pas coutume, parlait peu de finances publiques. Ce rapport consistait surtout à "partager certains enseignements" sur la façon dont la crise sanitaire a été gérée l'an dernier par les pouvoirs publics (voir notre édition du 19 mars).

La publication ce 13 avril du rapport sur le budget de l’État en 2020 s’accompagne de la mise en ligne de 60 "notes d’analyse de l’exécution budgétaire" de chacune des missions budgétaires, d'analyses de l’exécution des recettes et dépenses fiscales… "Ces documents constituent une analyse approfondie de l’exécution budgétaire par grande politique publique. Ils sont assortis de recommandations et complètent le diagnostic global formulé par le rapport sur le budget de l’État", explique la Cour.

Parmi les notes d'analyse, les collectivités pourront notamment s'intéresser à celles sur les missions Cohésion des territoires (accès au logement, hébergement, urbanisme, politique de la ville, aménagement du territoire…), Enseignement scolaire (où on lira par exemple que la Cour juge critiquable, s'agissant des "internats de la réussite", "l’intervention de l’État dans un domaine qui relève des collectivités territoriales"), Sport, Jeunesse, vie associative (un champ dont la gestion a été très "marquée par les effets de la crise sanitaire" avec le "déploiement de nombreux dispositifs ad'hoc" tels que les "vacances apprenantes"), Écologie, développement et mobilité durables, ou encore Solidarité, insertion et égalité des chances.

Une note est en outre consacrée au "plan d'urgence face à la crise sanitaire" :  chômage partiel, fonds de solidarité pour les entreprises, renforcement des participations financières de l'État, allègements de charges… Tout cela ayant évidemment mis en jeu "des ressources très importantes, accrues par chacune des lois de finances rectificatives" (69,6 milliards d'euros au total sur les quatre lois de finances).

Enfin, quatre notes concernent plus directement les finances locales : Relations avec les collectivités territoriales, Remboursements et dégrèvements, Avances aux collectivités et Prélèvements sur recettes au profit des collectivités.
 

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